Des rivages bretons aux grands stades européens, le Stade Brestois a réussi un exploit inattendu. Après des années de lutte pour retrouver sa place parmi l’élite, le club breton s’est lancé à l’abordage de l’Europe, avec une ascension fulgurante jusqu’à la Ligue des Champions. Sous la houlette d’Éric Roy, les pirates bretons font trembler les géants du football, prouvant que la détermination et l’esprit d’équipe peuvent propulser un club vers des sommets insoupçonnés.
L’Armoricaine de Brest : un siècle d’histoire sportive
Fondée en 1903, la section sportive du patronage Saint-Louis prend le nom de L’Armoricaine de Brest et adopte fièrement la devise bretonne « Pen Huel » (« Tête Haute »). Avant la Première Guerre mondiale, l’association attire 500 jeunes et 400 enfants autour d’activités variées : préparation militaire, tir, football, athlétisme, gymnastique, théâtre, chorale, fanfare et cercles d’études. Malgré les pertes dues à la guerre, le club reprend rapidement vie.
En 1922, sous l’impulsion de l’abbé Cozanet, un stade voit le jour au Petit Paris, à l’emplacement actuel du stade Francis-Le Blé. La célèbre tribune Pen Huel rappelle encore aujourd’hui cet héritage. Le stade est inauguré le 9 février 1923 lors d’un match opposant l’Armoricaine au Stade Français.
Dans l’entre-deux-guerres, le club brille sur le plan national. Il atteint les 16es de finale de la Coupe de France en 1921 et 1927, ainsi que plusieurs 32es de finale entre 1923 et 1935. En 1926, l’Armoricaine décroche le titre de champion de France des patronages après une victoire éclatante (3-0) contre Saint-Jean-de-Luz.
Le gardien Alexis Thépot, figure emblématique du club, se distingue en obtenant une sélection en équipe de France dès 1927, alors qu’il joue pour l’Armoricaine. Il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de cette époque.
Le Stade Brestois : des patronages à l’élite du football français
En 1950, sous l’impulsion du chanoine Balbous, cinq patronages catholiques de Brest fusionnent pour créer le Stade Brestois. Parmi eux : l’Armoricaine de Saint-Louis, l’Avenir de Saint-Martin, la Flamme du Pilier Rouge, la Milice de Saint-Michel et les Jeunes de Saint-Marc. L’objectif est clair : surpasser l’AS Brest, grand club laïque de l’époque.
Jean Offret devient le premier président du Stade Brestois, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1998 en tant que président d’honneur. Le club hérite de la place de l’Armoricaine en première division régionale et progresse rapidement : promotion d’honneur en 1951, division d’honneur régionale en 1952, puis division d’honneur en 1953. En 1958, grâce au désistement des Voltigeurs de Châteaubriant, le Stade accède au championnat de France amateur (CFA), se hissant au niveau de son rival, l’AS Brest.
Après une descente en division d’honneur en 1963, le club remonte en CFA dès 1966. Sa progression continue avec un accès à la deuxième division en 1970, profitant de son élargissement.
En 1979, le Stade Brestois atteint pour la première fois de son histoire la première division (D1). Malgré une relégation immédiate, le club remonte dès la saison suivante. Sous la présidence de François Yvinec, le club breton parvient à se maintenir durablement dans l’élite malgré des changements fréquents d’entraîneurs, s’affirmant comme une valeur sûre du football français.
FC Brest Armorique : entre rêves et désillusions
En 1983, sous l’impulsion de François Yvinec, le Stade Brestois devient le FC Brest Armorique, affirmant son ancrage géographique. Ce changement marque le début d’une ère ambitieuse. En 1986, le club adopte une stratégie tournée vers le « football-business » et recrute des stars sud-américaines. Ces efforts portent leurs fruits, avec une 8ᵉ place historique en D1 en 1987. Cependant, des tensions internes, notamment entre Yvinec et l’entraîneur Raymond Keruzoré, mènent à une série de démissions, dont celle du principal sponsor, les magasins Leclerc.
Malgré une génération prometteuse portée par Paul Le Guen, Vincent Guérin et Patrick Colleter, le club est relégué en D2 en 1988. Il retrouve néanmoins l’élite un an plus tard après des barrages mémorables face au Racing Club de Strasbourg.
De retour en D1, le FC Brest Armorique brille avec de jeunes talents tels que Corentin Martins, David Ginola, Roberto Cabañas et le futur champion du monde Stéphane Guivarc’h. Mais les finances du club s’effondrent. En 1991, malgré une honorable 11ᵉ place en championnat, un déficit colossal entraîne une relégation administrative en D2.
L’année 1991 marque la fin d’un rêve. Le club dépose le bilan en décembre, avec une dette estimée à 150 millions de francs. Lors d’un dernier match houleux contre l’En Avant Guingamp, les supporters brestois, excédés, envahissent la pelouse. L’équipe professionnelle est dissoute, et les joueurs sont libérés. L’équipe réserve, évoluant alors en troisième division, devient l’équipe première, assurant la survie d’un club légendaire en pleine reconstruction.
Les années de reconstruction du Stade Brestois
Après avoir retrouvé son nom d’origine en 1993, le Stade Brestois intègre le tout nouveau championnat National 1. Cependant, la réorganisation de la compétition en 1997, avec la fusion des deux groupes de National, entraîne la relégation du club en Championnat de France amateur (CFA). Brest y reste trois saisons.
Malgré une décennie dans les divisions amateurs, le club amorce un retour progressif au haut niveau. En 2000, il accède de nouveau au championnat National, où il évolue pendant quatre saisons, posant ainsi les bases de sa renaissance.
Le retour en Ligue 1 : un nouvel élan pour Brest
En 2004, porté par le jeune Franck Ribéry, le Stade Brestois décroche sa montée en Ligue 2, où il se stabilise sans prétendre à l’élite.
Tout change lors de la saison 2009-2010 : sous la direction d’Alex Dupont, Brest termine à la deuxième place de Ligue 2 et scelle son retour en Ligue 1 après 19 ans d’absence, grâce à une victoire 2-0 face au Tours FC le 30 avril 2010. Cette saison est aussi marquée par un beau parcours en Coupe de France, où Brest atteint les huitièmes de finale avant d’être éliminé en prolongation par Lens.
En 2010-2011, le club surprend en prenant brièvement la tête de la Ligue 1 le 30 octobre 2010, après une victoire 2-0 contre Saint-Étienne. Malgré des difficultés, Brest assure son maintien le 29 mai 2011. Cette première saison dans l’élite est aussi couronnée d’un trophée de fair-play et d’une deuxième place au championnat des tribunes.
La saison 2011-2012 est plus compliquée, avec une lutte constante pour le maintien. Brest sauve sa place en Ligue 1 lors de l’ultime journée grâce à une victoire à l’extérieur contre Évian Thonon-Gaillard, leur première victoire hors de leurs bases cette saison.
Brest : entre descentes, instabilité et espoirs déçus
En août 2012, le Stade Brestois entame sa troisième saison consécutive en Ligue 1 sous la direction de Landry Chauvin. Mais les mauvais résultats s’enchaînent, et il est limogé le 2 avril 2013, remplacé par Corentin Martins en intérim. Le club, miné par des conflits internes entre le président Michel Guyot et l’actionnaire principal Yvon Kermarec, sombre sportivement. Assuré de terminer lanterne rouge dès la 36ᵉ journée, Brest est relégué en Ligue 2. Yvon Kermarec succède à Michel Guyot à la présidence et rappelle Alex Dupont comme entraîneur.
De retour en Ligue 2, Brest démarre bien la saison 2013-2014, mais une longue série de contre-performances le plonge en zone de relégation début 2014. Une remontée spectaculaire lors de la deuxième partie de saison permet finalement aux Brestois de terminer à la 7ᵉ place.
Lors de la saison 2014-2015, Alex Dupont affiche l’ambition de retrouver la Ligue 1. Brest se maintient longtemps dans le haut du classement, mais une fin de saison décevante relègue le club à une 6ᵉ place, loin des attentes.
La saison 2015-2016 est marquée par la transition. Avec Alex Dupont dans sa dernière année de contrat et Yvon Kermarec à la fin de son mandat de président, le club opte pour des recrutements à court terme. Malgré un effectif remanié, Brest termine à une modeste 10ᵉ place. Le 13 mai 2016, Yvon Kermarec cède la présidence à Denis Le Saint, laissant le club à la recherche d’un nouvel élan.
Une nouvelle ère sous Denis Le Saint : ambitions retrouvées
Après une saison 2015-2016 décevante, le Stade Brestois tourne une nouvelle page. Le 11 mai 2016, l’entrepreneur Denis Le Saint succède à Yvon Kermarec à la présidence, avec pour ambition de redorer l’image du club et de reconquérir les supporters, déçus par les performances passées. Le 31 mai, Jean-Marc Furlan, spécialiste des montées en Ligue 1 avec Troyes, est nommé entraîneur pour trois ans. Ensemble, ils affichent un objectif clair : retrouver l’élite rapidement.
Pour la saison 2016-2017, l’effectif est largement remanié avec un objectif initial de maintien. Pourtant, Brest surprend en s’installant en tête du classement pendant plus de cinq mois, remportant le titre de Champion d’automne. Lors de la dernière journée, Brest échoue à accéder aux barrages, terminant à la cinquième place, devancé par Troyes et Amiens.
La saison 2017-2018 s’annonce comme un défi majeur, avec quinze joueurs en fin de contrat. Malgré ces obstacles, Brest termine à nouveau cinquième et se qualifie pour les barrages d’accession. Le parcours s’arrête cependant dès le premier match, avec une défaite 2-0 face au Havre.
Le Stade Brestois : de la Ligue 2 à la Ligue des Champions, une ascension spectaculaire
Après une brillante saison 2018-2019 conclue par une place de vice-champion de Ligue 2, le Stade Brestois retrouve l’élite du football français. Porté par Gaëtan Charbonnier, auteur de 27 buts, Brest renoue avec la Ligue 1 après six ans d’absence.
En 2019-2020, le club termine 14e d’une saison interrompue par la pandémie de Covid-19, tandis qu’Olivier Dall’Oglio assure un maintien tranquille. Mais la saison 2020-2021 est plus tendue : Brest sauve sa place en Ligue 1 in extremis lors de la dernière journée. Michel Der Zakarian, succédant à Dall’Oglio en 2021, conduit le club à une 11e place honorable grâce notamment à une série de six victoires consécutives historique.
Toutefois, la saison 2022-2023 démarre mal : Brest subit une cuisante défaite 0-7 face à Montpellier et stagne à la dernière place après 10 journées. Michel Der Zakarian est remplacé par Éric Roy, qui réussit à maintenir le club en Ligue 1.
La saison 2023-2024 : une année historique
Sous la direction d’Éric Roy, Brest réalise un parcours exceptionnel, concluant à la 3e place de Ligue 1, synonyme de qualification en Ligue des Champions. Jamais dans son histoire le club breton n’avait atteint un tel niveau. Lors de la phase de groupes de la Ligue des Champions, délocalisée au stade du Roudourou de Guingamp, Brest impressionne : une victoire contre le RB Salzbourg (4-0) et des matchs mémorables face au Real Madrid et au FC Barcelone marquent cette aventure européenne.
2024-2025 : Brest en Ligue des Champions
En 2024-2025, Brest continue de briller sur la scène européenne. Malgré les contraintes logistiques liées au stade Francis-Le-Blé, les Ty’ Zefs battent des équipes prestigieuses comme le Sturm Graz et le PSV Eindhoven, décrochant une qualification pour les phases éliminatoires. Cette épopée européenne, couplée à leur solide parcours en Ligue 1, symbolise la montée en puissance du club brestois sur la scène nationale et internationale.
En 2024, Brest ne se contente plus de défendre sa place en Ligue 1 : le club joue désormais dans la cour des grands, défiant les légendes du football européen. Un véritable conte de fées moderne où les pirates bretons, portés par leur passion et leur audace, naviguent avec brio sur les mers de la Ligue des Champions. Qui aurait cru qu’un petit club de Ligue 1 allait se transformer en conquérant de l’Europe ?